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Et si le Portugal n’avait pas été indépendant ?

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Le 1er décembre, on fête l’indépendance récupérée du Portugal face à l’Espagne, lors de la lointaine année de 1640, 60 ans après la réunion des deux couronnes par le roi Philippe II d’Espagne. Je me pose souvent la question de savoir ce que serait devenu le Portugal si l’Union Ibérique avait perduré jusqu’à aujourd’hui.


Je pars du présupposé que les particularités régionales auraient été respectées. Nous nous souvenons que les nationalismes tels qu’on les entends aujourd’hui sont une invention du XIXème siècle, les espagnols ou portugais d’alors n’ayant pas la même conscience du patriotisme comme nous pouvons l’avoir aujourd’hui.

De plus, les souverains espagnols avaient conscience qu’il ne fallait pas froisser les régionalismes, et avaient des solutions qui permettaient de ménager la chèvre et le chou. Lorsque Philippe II choisit Madrid comme capitale en 1561, il s’agissait de choisir une ville dont la situation géographique centrale était acceptée de tous. En prenant une petite ville au détriment de Tolède ou Barcelone, le roi faisait un choix modéré. Mais il s’en est fallu de peu.

Lisbonne, capitale de l’Union Ibérique

20 ans plus tard, Philippe II habitera pendant 3 ans à Lisbonne, dans le Portugal fraîchement réunit à la couronne d’Espagne. Personne ne peut prédire comment l’Histoire aurait évolué si le roi avait choisi Lisbonne comme capitale définitive. Lisbonne était alors la ville la plus cosmopolite du monde, où se croisaient des hommes de tout horizons, une ville décidément tournée vers les autres.

Roi Philippe II d'Espagne
Roi Philippe II d’Espagne

Mais la pression de la noblesse espagnole, plus intéressée dans ses conquêtes territoriales en Europe, et surtout, la pression des intégristes catholiques et leur inquisition ont tôt fait de réduire à néant les espoirs des lisboètes pour acquérir le titre de « Capitale des Espagnes ». Le coup final sera porté par la défaite en 1588 de l’Invincible Armada face aux anglais, ce qui détourna définitivement l’intérêt du roi des affaires ultramarines, l’amenant à se concentrer sur le continent et ses possessions européennes. Ceci affaiblira énormément le Portugal, qui était taxé de surcroît par Madrid pour financer ses guerres.

L’économie, plus forte unie

La défaite espagnole face aux anglais aura des conséquences économiques durables. Le commerce va en souffrir, notamment pour les commerçants portugais et catalans. De plus, avec l’inquisition et la fuite des commerçants juifs aux Pays-Bas, une grande partie du savoir-faire marchand ibérique sera emmené hors de la péninsule. Pour terminer, les ennemis de l’Espagne étant désormais les ennemis du Portugal, bon nombre de possessions portugaises seront perdues au profit de ces « nouveaux » ennemis. Le déclin était ainsi annoncé et prévisible, mais l’intégrisme religieux, allié aux intérêts d’une noblesse obtuse ont provoqué une ruine parfaitement évitable, laissant le champ libre aux protestants anglais et hollandais, bien plus tolérants.

C’est dans ce contexte de crise que les catalans se révoltent, en 1636. Pour mater la rébellion catalane, le roi Philippe IV demande aux portugais de fournir les hommes et l’argent pour battre les catalans. On comprend facilement que c’est une erreur grossière : les portugais se rebellent à leur tour. Ne pouvant lutter de front contre deux rébellions, le roi espagnol est obligé de lâcher prise sur le Portugal, qui récupère ainsi son indépendance.

Imaginons maintenant que la capitale soit toujours à Lisbonne. Que les rois espagnols préfèrent toujours s’occuper du développement économique et commercial plutôt que de perdre de l’argent et des hommes dans des guerres continentales sans fin. Le Portugal serait toujours aujourd’hui une des nations de l’Espagne !

On le comprend, ce n’est pas vraiment par patriotisme que le Portugal a voulu son indépendance, mais parce que les décisions de la cour de Madrid provoquaient des catastrophes économiques. Quand on a bien mangé, qu’on a de l’argent pour s’amuser, on pense rarement à la rébellion.

Et si le Portugal n’avait pas été indépendant ?
Blason de l’Union Ibérique

Une Union Ibérique forte aurait également été plus forte économiquement. Unis, il était plus simple de défendre les intérêts commerciaux de tous face à la montée en puissance du Royaume-Uni. La séparation du Portugal et de l’Espagne accentua la crise, qui ne se résoudra non pas grâce à l’indépendance, mais grâce à l’arrivée massive d’or du Brésil à partir de 1699.

Cet or sera au final une malédiction. Plutôt que d’investir dans les infrastructures, les usines, la capacité de production ou de commerce, le Portugal se couvrira de beaux palais aujourd’hui en ruines ou d’églises. Il faudra toute l’énergie d’un Marquis de Pombal pour tenter d’y remédier au XVIIIe siècle, mais la jalousie et surtout la rancœur que la reine Marie Iere du Portugal aura contre le marquis auront tôt fait de mettre à terre les réformes économiques pourtant essentielles du pays face à un nouveau monde globalisé et concurrentiel.

Uni à l’Espagne, peut-être que l’Histoire aurait été différente. Peut-être que le Portugal aurait mieux pu défendre ses intérêts économiques face aux ambitions des grandes nations européennes. Je prends un exemple : la « carte rose ». Il s’agissait d’un projet colonial, voulant rattacher l’Angola au Mozambique en annexant tous les territoires situés entre ces deux pays. Mais ce projet avait le tort de traverser les possessions anglaises. La grande Angleterre fit un ultimatum au « petit » Portugal, l’intimant de renoncer à ce projet.

Croyez-vous que l’Angleterre pût faire la même chose avec une Union Ibérique ? Certainement pas.

C’est pour ces raisons, économie, prestige, diplomatie, que je me dis que finalement un Royaume-Uni Ibérique aurait été un formidable contrepoids au Royaume-Uni britannique. Le Royaume-Uni s’est allié à l’Écosse en 1603, c’est-à-dire après l’Union Ibérique !

Je regrette au final que l’Union Ibérique n’ait pas perduré. Ainsi, la fête de la restauration de l’indépendance n’est pas vraiment une fête pour moi. Je ne pense pas que la particularité portugaise ait été gommée par le pouvoir espagnol, tout comme la Catalogne existe toujours, l’Ecosse, ou, plus simplement, les différents cantons suisses. L’identité est toujours là, mais unie dans une Nation plus grande, plus puissante, plus à même de défendre les intérêts des différents peuples qui la composent.

Je suis donc pour une Union Ibérique, en attendant une Europe fédérale puis gouvernement mondial, que je souhaite de tous mes vœux !


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